Le sénateur des Français de l’étranger, Richard Yung, nous a accordé un entretien exclusif suite à l’annonce de sa proposition de résolution relative aux enfants franco-japonais subissant un enlèvement parental. L’occasion d’évoquer avec lui ce combat d’une dizaine d’années mais également la réforme de l’enseignement français et les progrès de la dématérialisation.
lepetitjournal.com – Vous travaillez depuis plus d’une décennie sur le cas des enlèvements parentaux des enfants franco-japonais. Quelles sont les requêtes majeures de cette nouvelle proposition de résolution ?
Richard Yung – Après la ratification de la Convention de la Haye, suite à la première proposition en 2011, ce que l’on souhaite avant tout aujourd’hui, c’est que le juge japonais puisse prononcer des décisions de garde alternée, accorder un droit de visite et surtout faire en sorte que ce droit de visite soit respecté.
Nous souhaiterions aussi la création d’un magistrat de liaison à l’Ambassade de France au Japon, comme ce fut le cas il y a quelques années. Aujourd’hui, c’est celui rattaché à Pékin qui s’occupe du Japon, ce qui ne facilite pas les démarches. Ce magistrat pourrait entre autres tenir un registre de ces enlèvements d’enfants français. Il y a plusieurs cas de figure, plus ou moins graves, et on ignore toujours combien ils sont exactement. Je n’ai pourtant pas trop d’espoir là-dessus. En revanche, je crois à la possibilité de re-création du comité consultatif franco-japonais pour régler les cas qui ne relèvent pas de la Convention de La Haye. La demande a été formulée par la France en mai dernier et nous sommes donc dans l’attente de la réponse du gouvernement japonais.
Les ambitions du Président de la République sont de doubler le nombre d’enfants scolarisés dans les Lycées Français d’ici 2030. Est-ce que selon vous la réforme de l’enseignement français à l’étranger permettra d’atteindre cet objectif ?
C’est une grande et belle réforme. Je voudrais profiter de cette occasion pour développer les filières binationales et trinationales. L’AEFE fait beaucoup pour l’enseignement plurilingue mais ils continuent à enseigner la langue comme un objet extérieur, si j’ose dire. J’aimerais qu’on puisse faire des maths en anglais ou de la géographie en allemand.
Ce qui change également c’est que l’on suscite dans différents milieux, publics, semi-publics ou privés, la volonté de créer de nouvelles écoles. Et à ma surprise, cela prend très bien ! Je suis sidéré du nombre de personnes que je rencontre qui sont prêtes à démarrer une école, que ce soit par francophilie ou par intérêt financier. J’étais en Inde il y a 10 jours et j’ai déjà été abordé par plusieurs investisseurs. C’est donc très positif même si cela pose plusieurs interrogations. La première est que l’on va manquer d’enseignants. Actuellement, on compte environ 8000 enseignants dans nos Lycées Français, qu’ils viennent de France ou recrutés localement. Si on veut doubler le nombre d’élèves, il faudra donc former 8000 nouveaux enseignants. C’est donc un défi important. Pour cela, vont se mettre en place 16 pôles de formation pour aider les jeunes et les préparer à enseigner à l’étranger. Cela permettra donc à plus d’étudiants français de tenter leur chance à l’international. L’homologation est aussi un enjeu pour les nouveaux établissements qui seront créés.
Il a justement été question de réduire le nombre de critères d’homologation pour les établissements souhaitant intégrer le réseau AEFE. Comment garantir la qualité de l’enseignement ?
Je n’ai pas peur de ça, il faut foncer. On a l’opportunité de doubler le nombre d’élèves dans les établissements français. Même avec 800.000 élèves, on resterait très loin derrière les Anglo-saxons. Il faut donc faire ce que l’on peut pour simplifier les choses.
L’homologation était trop compliquée. Cela va être plus souple et c’est une bonne chose.
Certains parents expatriés se plaignent aussi des coûts de la scolarisation à l’étranger. Des aides seront-elles débloquées dans ce sens ?
Ce qui est sûr, c’est que nous ne pourrons pas doubler le nombre de bourses. On consacre déjà 105 millions d’euros en bourses, soit environ 25.000 bourses à travers le monde. L’enseignement français est loin d’être le plus cher. Si vous regardez ce que font d’autres pays, c’est parfois 2 à 3 fois plus cher que pour nous. L’AEFE surveille en tout cas cela de très près et dans la majorité des cas, les problèmes de scolarisation dans le système français sont liés à l’éloignement des familles. il y a aussi des cas où les parents ont plusieurs enfants et pas de bourse, alors cela leur revient effectivement très cher.
Le Premier ministre Edouard Philippe a fixé un objectif de 500.000 étudiants étrangers en France en 2027, contre 320.000 actuellement. En tant que membre du Conseil d’administration de Campus France, quelles sont les actions à mener pour rendre la France plus attractive, notamment auprès des étudiants des pays émergents ?
Il faut qu’on améliore le logement étudiant pour les aider à s’installer en France. Si c’est déjà un parcours du combattant pour les étudiants français, imaginez ce que cela représente pour un étudiant étranger. Il faudrait donc créer plus de cités étudiantes ou avoir davantage d’accords avec des sociétés HLM ou de logement collectif qui sont certainement prêtes à louer pour des loyers raisonnables à des étudiants internationaux. Il en faut également plus en province et décentraliser l’enseignement pour les étudiants étrangers. On a en revanche fait des efforts pour développer l’enseignement en anglais, ce qui fut une longue bataille.
Finalement, la dématérialisation des démarches administratives ainsi que l’obtention de certains documents d’état civil, se font progressivement. C’est une recommandation que vous avez faite il y a 12 ans. Êtes-vous satisfait de l’avancée dans ce domaine ?
Il faut croire que c’est le délai qu’il faut pour qu’une idée chemine ! Je suis satisfait, car on avait tout de suite pensé que l’on pouvait très bien faire circuler un certain nombre de documents. C’est la philosophie de la blockchain qui va finalement nous permettre de réaliser cela, car le cheminement est maintenant sécurisé. La dématérialisation va monter en flèche. Pour les certificats de vie, cela va se mettre en place très prochainement alors que de nombreux Français l’attendaient depuis plusieurs années.
Source : lepetitjournal.com