Les associations d’anciens proposent régulièrement de nouveaux services et événements pour personnaliser leur offre et ainsi fidéliser leurs alumni… Avec l’objectif de transformer le diplômé en donateur. Le point en amont de la conférence EducPros du 28 septembre sur le sujet.
Demain matin, irez-vous au cours de yoga ou au stage sur le leadership ? Voici deux des nouveaux ateliers proposés depuis un an aux diplômés de Sciences Po Paris par Sciences Po Alumni. L’association (13 salariés, budget annuel de 1,6 million d’euros) est statutairement et budgétairement indépendante de la grande école parisienne. Elle a ajouté des services à son catalogue accessible aux 8.000 adhérents (sur 55.000 diplômés). « La vocation de l’association est d’accompagner les anciens dans leur trajectoire professionnelle, rappelle Anne-Sophie Beauvais, la directrice générale. Notre pôle carrière propose donc des services baptisés ‘Fondamentaux’ : bilan personnel avec un RH, groupes collectifs de recherche d’emploi, ateliers CV et entretien, etc. Et puis, nous nous sommes dit que nous pouvions aussi être une ressource quand tout va bien dans la carrière de l’alumni. C’est ainsi que nous avons créé les ateliers pour s’occuper de soi et développer ses talents. »
Au menu : tests de personnalité, ateliers sur la communication – dont un sur la prise de parole en public avec une cantatrice d’opéra qui travaille respiration et voix –, sur la méditation de pleine conscience, sur la maîtrise du stress, sur l’amélioration de son leadership, et des cours de yoga. « Ces ateliers ont fait le plein tout de suite, et ils font 50/50 avec les Fondamentaux », se félicite Anne-Sophie Beauvais.
S’ADAPTER À SA CIBLE
À Edhec Alumni, l’association des 40.000 diplômés et étudiants de l’école de commerce (10 salariés, 1 million d’euros de budget annuel alloué directement par l’école), plusieurs initiatives ont été développées. Citons parmi elles l’alumni summer session, « une sorte d’université d’été sur deux jours dont les intervenants sont des anciens de l’école », précise Christelle Caucheteux, la directrice générale. L’association propose également des modules d’e-learning sur le design thinking, la créativité, la finance, etc., ou encore des sessions de mentorat étalées sur cinq mois. « Pour l’e-learning et le mentorat, nous avons fait appel à des alumni qui ont créé et développé les dispositifs », aime à rappeler Christelle Caucheteux, qui est à l’initiative de ces nouveaux services.
De nouveaux services qui reprennent les principes connus pour fédérer une communauté : régularité des messages, valorisation des alumni et personnalisation… « Les anciens de Sciences Po s’intéressent beaucoup à la politique. Nous avons donc fait de nombreuses choses autour des échéances électorales en 2017 et le contenu éditorial du magazine de l’école est très axé sur le sujet », détaille ainsi Anne-Sophie Beauvais.
Tisser le lien passe aussi par de grands événements rassembleurs. Sciences Po Alumni a ainsi sa fête annuelle. « Il y a quatre ans, nous avons créé notre garden party, se souvient Anne-Sophie Beauvais. Elle réunit 1.000 personnes chaque année et autant sur liste d’attente. Lorsque l’événement a lieu en juin et qu’en septembre vous expliquez aux anciens que vous avez un projet à financer, ceux qui étaient à la garden party regardent cette sollicitation différemment. »
Avec en toile de fond un objectif financier : transformer le diplômé en donateur. À Neoma Alumni (7 salariés, budget annuel entre 1 et 1,6 million d’euros), de nouveaux événements et outils ont été créés pour toucher les 8.000 adhérents de l’association et plus largement les 64.500 étudiants et diplômés. « Nous organisons chaque année un événement qui rassemble 1.000 diplômés, raconte Agnès Flouquet-Vilboux, la directrice. Nous réfléchissons aussi à la création de ‘Class Gifts’, des dons par année de promo : cela fonctionnerait comme un BDE [bureau des étudiants] bis, avec comme objectif de remettre un chèque collectif à l’école en fin d’année. »
Nous organisons chaque année un événement qui rassemble 1.000 diplômés. À chaque inscrit, nous proposons de faire un don.
(A. Flouquet-Vilboux)
ENTRETENIR LE SENTIMENT D’APPARTENANCE
Pour Anne-Sophie Beauvais, le lien est fragile. « Il faut entretenir le sentiment d’appartenance pour donner l’envie de participer financièrement. Vingt ans après leur diplôme, les alumni doivent se sentir encore appartenir à l’école. 40 % des donateurs sont adhérents chez nous. Derrière l’aspect financier, c’est une question affective et ce lien affectif, c’est nous qui l’entretenons. » En 2016, Sciences Po Alumni a levé 6,3 millions d’euros, dont 1,3 million auprès de 909 particuliers.
À l’Edhec, l’intérêt des étudiants est plutôt tourné vers l’entrepreneuriat. « Nous organisons des cafés-entrepreneurs et nous soutenons l’incubateur de l’école, explique Christelle Caucheteux. Le fait qu’il y ait une dynamique autour de l’entrepreneuriat fournit du sens aux diplômés : ils donnent aux entrepreneurs via l’incubateur, voilà la motivation. » Un lien qui doit arriver au bon moment pour la directrice d’Edhec Alumni : « Le don dépend du moment de la vie de la personne. Par exemple, si elle perd son emploi, elle se tourne vers le réseau qui devient son supporter ; et quand elle retrouve un emploi, elle est sensible à notre demande de don. »
L’EXEMPLE AMÉRICAIN
« Aux États-Unis, le taux de dons parmi les alumni est entre 12 et 16 %, pointe Marie-Blandine Prieur, directrice du développement des ressources et des partenariats à l’université Paris-Descartes. Les plus forts sont Princeton avec 50 à 60 % des anciens qui donnent. » L’exemple américain est souvent cité, comme pour mieux pointer les faiblesses françaises en matière de mécénat. « La relation aux diplômés y est abordée comme un tout, englobant tous les services de l’établissement ; d’ailleurs, les services philanthropiques y sont appelés ‘advance’, progrès en français. Je suis étonnée qu’en France on résume la relation aux alumni à l’argent ou à l’influence. C’est une vision utilitaire, à court terme. »
Le passage à la maturité se fait lentement. La reconnaissance du rôle des alumni par les directions générales, dans les écoles comme dans les universités, est cruciale. Et, en conséquence, la hausse des moyens financiers, humains et matériels alloués aux associations d’anciens ou aux services dédiés. Ainsi que quelques cours de yoga.
Source: l’étudiant marocain rubrique educpro article du 7 septembre 2017