Thomas Gonda, élève moyen qui avait hésité entre les filières S et STI, raconte comment choisir la seconde option lui a donné confiance en lui et permis d’être accepté, après une classe prépa, dans de grandes écoles d’ingénieurs et à l’Imperial College, à Londres, où il étudie le Design Engineering.
« Mon parcours pourrait inspirer beaucoup d’élèves de la filière STI2D du bac technologique (ou potentiels élèves) qui pensent que c’est une filière “poubelle”. » C’est par ce message que Thomas Gonda, 19 ans, a contacté Le Monde Campus. Aujourd’hui étudiant à l’Imperial College London, prestigieuse université où il a choisi d’étudier le Design Engineering, il nous a expliqué qu’être un bon élève de la filière Sciences et technologies de l’industrie et du développement durable lui avait permis de mieux réussir que s’il avait été un élève moyen de la filière S. Voici son témoignage.
« Je suis né en Belgique d’une mère tchèque et d’un père belge. Nous avons déménagé en France l’année de mon entrée en 6e, au collège-lycée Saint-Michel à Annecy. Sans trop d’efforts, j’avais toujours des notes correctes, mais sans être un élève modèle. Comme j’aimais beaucoup l’anglais, j’ai réussi à entrer en section européenne grâce à un concours de sélection interne à mon lycée. En fin de seconde, mes notes suffisaient pour aller dans toutes les filières, la plus sélective et la plus prestigieuse étant « évidemment » la filière scientifique. J’ai beaucoup hésité entre un bac S, option sciences de l’ingénieur, et la filière STI2D (Sciences et technologies de l’industrie et du développement durable), qui achevait sa première année d’existence sous ce nom-là.
Un choix calculé
Ce n’était pas un choix facile. J’ai beaucoup parlé avec mes parents : ils n’avaient aucune expérience du système éducatif français, et avaient beaucoup d’incertitudes sur le fait de choisir une filière technique, qui mène plus souvent à des métiers de technicien que d’ingénieur. J’ai également rencontré à plusieurs reprises une conseillère d’orientation, en dehors du lycée.
Au niveau du contenu, la filière STI2D me correspondait plus : j’avais aimé mener des projets, en équipe, lors de mon enseignement d’exploration de seconde (« science de l’ingénieur + création et innovation technologique ») assuré par une prof de STI2D. Mais c’était aussi un choix calculé : avec le système de quotas réservant des places dans les écoles d’ingénieurs aux élèves issus de filières technologiques, il était nettement plus avantageux, selon moi, d’être un premier de classe en STI2D que d’être un élève médiocre en S.
J’ai vraiment beaucoup aimé mes deux années de STI2D : les projets et les connaissances techniques enseignées apportent, selon moi, ce qu’il faut pour devenir un bon ingénieur, un ingénieur polyvalent. Je me débrouillais bien, toujours dans le top 3 de ma classe. En terminale, avec trois autres élèves, on a terminé deuxième des Olympiades des sciences de l’ingénieur de l’Académie de Grenoble, devant des équipes de lycéens de S. On est partis présenter notre projet, sur lequel on avait travaillé toute l’année, lors de la finale nationale à Paris. C’était vraiment une expérience très excitante et surtout valorisante.
Au final, j’ai passé mon bac avec mention Très Bien. Lors d’APB, j’ai postulé à l’INSA Lyon, qui réserve des places aux bacheliers des filières technologiques, et passé un entretien, mais j’ai finalement obtenu mon 1er vœu : une classe prépa TSI (CPGE Technologies et sciences industrielles, réservée aux bacs techno) dans un très bon lycée, Aux Lazaristes, à Lyon.
Pendant la première année de prépa, j’ai beaucoup travaillé – on n’avait pas vraiment le choix, mais j’ai toujours été premier ou dans le Top 3 de ma classe. Je ne m’attendais pas du tout à cela, surtout qu’il y avait dans ma classe des élèves très intelligents et venant de très bons lycées. Subitement, tout un monde s’offre à moi : on me parle des Ecoles centrales, des Arts et Métiers, de l’Ecole des mines, voire même de Polytechnique.
Voulant absolument aller dans une école valorisant l’international, j’ai commencé à regarder leurs partenariats à l’étranger, et les universités avec lesquelles il est possible de faire des doubles diplômes. Parmi les plus prestigieuses d’entre elles, il y avait l’Imperial College London. J’ai découvert sur leur site Web le département de Design Engineering, qui venait juste d’ouvrir, et j’en suis tombé amoureux. Cela ressemble tellement à mon idée du métier d’ingénieur – la polyvalence, le fait de penser la conception en prenant en compte les dimensions esthétique, humaine, commerciale, et non seulement technique – que je décide d’y postuler directement.
Accepté dans les grandes écoles
En novembre, j’envoie mes notes, une lettre de motivation et une autre de recommandation (d’un de mes profs de prépa), en ayant réussi le niveau demandé de 92/120 au Toefl – merci la classe européenne. Je suis sélectionné pour un entretien, à Londres. Cela se passe bien, l’échange avec le prof est très détendu. En mars, je reçois une lettre m’annonçant que je suis pris. Je suis plus qu’heureux ! Ma motivation pour les concours commence à s’effacer : je sais que quel que soit leur résultat, j’irai à l’Imperial College. Je passe quand même les écrits, puis les oraux à Paris, et malgré mon manque d’investissement et de révisions, je suis accepté à Centrale Nantes, Centrale Lille, les Arts et Métiers et Supélec.
Début octobre, je fais ma rentrée à Londres, après avoir contracté un emprunt pour financer les frais de scolarité de 9 000 livres par an. Techniquement, j’ai « perdu » une année par rapport à mes camarades qui sont entrés en écoles en France : il leur reste trois années pour être diplômés, alors qu’au Royaume-Uni, le cursus d’ingénieur que je débute dure quatre ans.
Mais ce n’était pas du temps perdu : grâce à la prépa, j’ai eu le temps de faire un choix plus mature sur mes études, j’ai pris confiance en moi intellectuellement parlant, j’ai appris à aimer les sciences, à travailler, à gagner en rigueur et en efficacité. Et mon niveau en maths me permet de moins travailler le soir que mes camarades d’autres nationalités qui ont un niveau bac. Au passage, sans vouloir entrer dans le “French bashing” parce que les élèves français ont beaucoup d’avantages, je me suis aperçu que ceux qui sortent de S sont moins bons en sciences que les élèves de nombreux pays, où l’on se spécialise plus, et plus tôt.
Ici, les cours ne sont peut-être pas tout à fait au niveau que j’imaginais, mais je construis mon parcours comme je veux, on est vraiment encouragé à prendre des initiatives et à construire nos propres projets. Imperial a un panel de ressources incroyable et la proximité avec l’industrie et la recherche est très précieuse. De plus, Londres est une ville extraordinaire, il y a toujours quelque chose à faire et des opportunités à saisir.
Voila. J’espère que ce témoignage pourra être utile à d’autres. Même si la filière scientifique a toujours cette aura de prestige, il faut savoir que ce n’est pas le seul choix possible, et que cela ne convient pas à tout le monde non plus. Si j’avais fait un bac S, j’aurais été un élève moyen et j’aurais été trop intimidé pour postuler en prépa puis dans une des meilleures universités anglaises et du monde. Alors qu’en filière STI2D, je me suis épanoui et je me suis senti valorisé. Au final, c’est tout ce qui compte. Et malgré ce que l’on peut en dire, ce bac ouvre des portes. Avec de l’ambition et de la motivation, il peut même ouvrir celles des grandes écoles ou de l’Imperial College London.